Maserati 110 ans à Autoworld

Musée Autoworld, Bruxelles, Belgique

Jusqu’au 23 février 2025

Autoworld Bruxelles fête les 110 ans de Maserati par une exposition majeure qui reprend l’histoire de la marque au Trident. Maserati a connu une histoire chaotique, mais a toujours conservé une aura importante auprès des amateurs d’automobiles sportives. Ceci s’explique par ses nombreux succès en compétition, et plusieurs générations de voitures de Grand Tourisme iconiques. Maserati est fondée en 1904 à Bologne par Alfieri Maserati et ses frères, passionnés de mécanique. Au départ, Maserati améliore des mécaniques existantes et participe à la conception de voitures de course pour d’autres entreprises. C’est en 1926 que Maserati présente sa première voiture de course destinée aux Grands Prix. Mais les problèmes financiers amènent les frères à vendre l’entreprise en 1937 à Adolfo Orsi, industriel italien qui déplace la société à Modène.

La famille Orsi restera propriétaire de Maserati pendant près de 30 ans, et cette période correspond sans doute aux plus belles années de la société, tant sur le plan sportif que pour les voitures de tourisme. Citroën rachète Maserati en 1968, mais aux prises avec ses propres problèmes financiers, la revend quelques années plus tard. S’ensuivra une période compliquée, avec plusieurs propriétaires qui auront du mal à redonner à Maserati son lustre, jusqu’au rachat par FIAT en 1987. Il y aura encore quelques périodes difficiles, il a fallu trouver le bon équilibre avec Ferrari, mais Maserati a retrouvé depuis quelques années un positionnement plus cohérent et est revenu en compétition.

Avec le soutien de Maserati, de Maserati Classiche (branche de Maserati qui expertise et certifie les Maserati « historiques »), de collectionneurs privés et de musées (dont la Collection Panini et Cadycars), l’équipe du musée Autoworld a préparé une exposition exceptionnelle, un must-see pour tout amateur de la marque au Trident et plus largement tout amateur de belles autos. Au total, ce sont près de 50 voitures qui racontent l’histoire Maserati.

Dès l’entrée, la zone pop up est consacrée à quelques icônes sportives de Maserati, comme la F1 250F, l’une des Maserati de course les plus réussies. Fangio remporta en 1957 son dernier titre de Champion du Monde sur 250F. La Tipo 420 « Eldorado » est une autre monoplace célèbre, c’est la première apparition d’un sponsor, ici une marque de glaces italienne, sur une voiture de course. Elle est basée sur un châssis renforcé de 250F, équipé d’un V8 dérivé du modèle de sport 450S. La voiture a été développée pour une course entre Europe et USA et a été pilotée par Stirling Moss à Monza. Elle a également participé aux 500 Miles d’Indianapolis.

La Tipo 61 est une voiture de la catégorie Sport, pour les épreuves d’endurance, et est plus connue sous son surnom de « Birdcage », la cage à oiseaux, en raison de son châssis constitué d’un treillis de fins tubes lui assurant légèreté et solidité. Sa carrosserie est étudiée pour minimiser la traînée aérodynamique et donner de l’appui à l’avant. La Tipo 61 a remporté de nombreuses courses dans sa catégorie au cours d’une carrière bien remplie.

Toutes datent de l’époque « Orsi », hormis l’OSCA de 1949. Après la fin de leur contrat de coopération avec Orsi, les frères Maserati créent la société OSCA. La 4CLT 48 V12 est un châssis Maserati 4CLT, mais équipé d’un V12 développé par OSCA. Cette monoplace a participé à de nombreuses courses, notamment aux mains du Prince Bira, célèbre gentleman driver, d’où ses couleurs du Royaume de Siam.

À la fin des années 1950, les finances de Maserati sont au plus bas, et la firme décide de quitter la compétition en direct, mais vend des voitures Sport Prototypes comme les Tipo 61 puis 63 à des écuries privées. Elle n’y reviendra que dans les années 2000 en catégorie GT, avec les 3200, puis les MC12.

La MC12 est la première supercar de Maserati, sur la base d’un châssis de Ferrari Enzo. Elle a été conçue spécifiquement pour la course, et seulement une cinquantaine de versions de route ont été construites. La MC12 Corse exposée a été peinte pour célébrer les 100 ans de la marque, et incorpore des images retraçant l’histoire sportive du Trident, très spectaculaire ! Après la supercar MC12, Maserati a présenté la MC20 cette fois équipée d’un moteur maison, présentée à côté de la MC12 Corse.

La suite de l’exposition se trouve sur la mezzanine, et en chemin on croise quelques spécimens plus récents. La « Barchetta » date de 1992 et courut dans un championnat monomarque. L’idée de ce joli prototype ouvert était de relancer l’image sportive de Maserati, mais sans succès véritable. La GT2 a pris le relais en compétition, et la version 2024 est exposée à la fois en version course, et en version « Stradale », à peine assagie mais homologuée pour aller sur les routes.

En arrivant sur la mezzanine, sur la partie gauche, 4 voitures de course, dont 3 d’avant-guerre. Durant cette période, Maserati construit uniquement des voitures de course, vendues à des écuries privées pour financer son écurie officielle. La Tipo 26M de 1928 est l’une des premières Maserati construites, et c’est la plus ancienne encore existante. C’est dire que c’est une voiture historique et inestimable. La 4eme, une A6GCS, date de 1947 et c’est la dernière voiture fabriquée sous la direction des frères Maserati, avant la fin de leur contrat et leur départ pour créer OSCA. Elle se distingue notamment par son phare unique au milieu de la calandre, d’où son surnom de « Monofaro ». Les 2 autres monoplaces sont une 8CM (1934) avec un 8 cylindres en ligne turbo, et une 6CM (1937), 6 cylindres en ligne de 1500cc à compresseur, vendues par Maserati pour des écuries privées.

Le reste de la mezzanine expose la sélection de voitures de Grand Tourisme produites par Maserati. Les autos sont classées par ordre chronologique, sont toutes (sauf une, on en reparlera) en état « concours », et ont souvent un pedigree exceptionnel. Plusieurs ont d’ailleurs la certification Maserati Classiche, attribuée par l’usine et qui garantit une origine parfaite et un historique validé du véhicule. Logiquement, la première est la A6 1500 de 1949 dessinée par Pininfarina, première Maserati destinée à la route et produite en toute petite série.

Les A6G, A6G54 et A6GCS utilisent le châssis A6 comme le moteur 6 cylindres en ligne, 1,5l puis 2l, issus des modèles de course, garantie de performances et de sportivité. Tous les grands carrossiers italiens, Allemano, Bertone, Fantuzzi, Frua, Ghia, Pininfarina, Vignale, Zagato … ont habillé des A6 en coupé, berlinetta ou en spyder (cabriolet). Avec moins de 140 unités au total, autant dire que les A6 sont quasiment toutes différentes. Outre la 1500 de 1949, l’exposition anniversaire propose un bel échantillon des productions artisanales, avec une Berlinetta surbaissée, également par Pininfarina en 2 nuances de bleu, un Coupé Zagato ou un Spyder Frua.

1957 marque un tournant majeur avec le lancement de la 3500 GT, la première Maserati produite en série. La Maserati 3500 GT est un très élégant coupé, avec une ligne équilibrée, pour un coupé 4 places. Sa calandre chromée agressive avec le trident flottant, entourée de 4 phares, l’identifie au premier coup d’œil. C’est l’archétype de la voiture de Grand Tourisme à la fin des années 1950, une auto performante, au caractère sportif, mais capable de parcourir de longues distances dans des conditions confortables, et évidemment très élégantes. La 3500 GT séduit immédiatement têtes couronnées, vedettes du cinéma et de la chanson, riches industriels… Elle est équipée d’un 6 cylindres en ligne double ACT, et le coupé GTi recevra une injection Lucas dès 1960. Produite à plus de 2000 unités, la 3500 GT et ses dérivés sauvent Maserati et assureront le positionnement de la firme de Modène sur le marché des grandes GT.

La version Spyder dessinée par Vignale est plus rare, et 2 exemplaires sont exposés, l’un des tous premiers modèles avec un capot un peu plus long, et une version avec hard top qui était proposée en option. La Maserati 5000 GT résulte d’une demande du Shah d’Iran qui souhaitait un modèle plus puissant et plus exclusif. 34 unités seulement seront produites, dont 21 avec la carrosserie Allemano. Avec son V8 de 340 ch, la Maserati 5000 GT est la voiture de série la plus rapide de son époque. La Sebring et la Mistral prennent le relais, dans des styles très différents. La Sebring reprend les lignes générales de la 3500 GT et son architecture, tandis que la Mistral est un coupé 2 places plus sportif, avec une ligne épurée plus moderne, plus aérodynamique, dessinée par Pietro Frua.

La Mistral existe aussi en spyder, évidemment plus rare. 2 coupés sont exposés côte à côte, une version en parfait état certifié par Maserati Classiche, et une autre en attente de restauration. Cette dernière est l’exemplaire présenté au salon de Chicago 1968, en faisant ainsi un modèle historique pour Maserati. A noter que les Sebring et Mistral inaugurent aussi l’appellation des modèles par des noms de circuit où Maserati a brillé ou des noms de vents, 2 types de noms qui seront ensuite repris par la firme de Modène jusqu’au début des années 1980.

En 1966, Maserati lance 2 nouveaux modèles. La Mexico est un grand coupé 4 places, qui prend la suite des 3500 GT et Sebring, dans un style modernisé par Vignale mais fidèle à l’esprit de la lignée. La Ghibli (un vent du désert égyptien) est un coupé 2 places plus sportif, magnifiquement dessiné par Giugiaro. Ligne basse et fluide, capot avant long, arrière fastback, V8 de plus de 300 ch, la Ghibli est une rivale directe de la Ferrari 365 GTB « Daytona », tant par son architecture que par ses performances. 2 Ghibli Coupé sont présents, un des premiers exemplaires produits avec le V8 de 4,7l, et un très beau coupé SS bleu nuit avec le V8 de 4,9l de 335 ch.

La Ghibli a aussi été déclinée en Spyder dès 1967, là encore rivalisant directement avec la Ferrari Daytona Spider. La capote se range sous un panneau de carrosserie, donnant à la Ghibli Spyder une ligne extrêmement pure. Maserati a produit seulement 125 Ghibli Spyder, soit sensiblement comme sa rivale de Ferrari. Peu après arrive la Maserati Indy (pour Indianapolis), grand coupé 2+2 destiné à remplacer la Sebring avec une ligne fastback plus moderne et rivaliser avec les Lamborghini Espada ou Ferrari 365 GT 2+2.

Malgré le succès des Ghibli et Indy, la situation financière de Maserati reste tendue, et l’entreprise passe sous contrôle de Citroën en 1968, avec notamment l’objectif du développement d’un nouveau moteur V6 destiné à la future Citroën SM. La famille Orsi reste actionnaire quelques temps puis finalement quitte le navire. 3 modèles verront le jour à cette période, notamment la Bora qui est la 1ère Maserati de route à moteur central arrière, toujours le classique et robuste V8 Maserati 4,7l ou 4,9l. La Bora, qui rivalise directement avec les Ferrari 512 BB, De Tomaso Pantera et Lamborghini Miura, est une GT très homogène. La Bora, dessinée par Giorgetto Giugiaro, se distingue par son toit en acier inoxydable.

En 1972, Maserati présente la Merak, dérivée de la Bora, mais équipée du V6 développé pour la SM. Plus légère que la Bora, caractérisée par ses arches latérales, elle devait permettre à Maserati d’élargir sa clientèle et cibler les Ferrari Dino ou Porsche 911. Performante et sûre, la Merak sera handicapée par les problèmes de fiabilité de l’ensemble moteur-boite et des solutions hydrauliques issues de Citroën. De plus, la situation financière compliquée de Citroën impacte Maserati, ne permettant pas les investissements qui auraient permis de fiabiliser et promouvoir cette auto produite à seulement un peu plus de 600 exemplaires.

Le dernier modèle de cette période est la Khamsin (un autre vent du désert). Basée sur le châssis de l’Indy, carrosserie 2+2 joliment dessinée par Marcello Gandini (alors chez Bertone), luxueuse et bien équipée, propulsée par le traditionnel V8 en version 4,9l, la Khamsin avait tout pour devenir une GT Maserati de référence. Malheureusement, la faillite de Citroën entrainera Maserati dans une suite de propriétaires manquant de moyens, et la production s’arrêtera un peu au-delà de 400 exemplaires. Ce qui en fait aujourd’hui un modèle très recherché des amateurs de Maserati. Une Khamsin est présentée dans la collection autoworld, à proximité de l’exposition anniversaire, mais son état n’a pas été jugé suffisamment satisfaisant pour figurer u milieu de ses sœurs.

On peut considérer que les Bora, Merak et Khamsin correspondent à la fin de la grande période des GT Maserati, au moins jusqu’aux années 2000, même si un dernier coupé GT, la Kyalami (circuit en Afrique du Sud) sera équipée du V8 emblématique, en 4,2l sur le modèle exposé.

Entre l’abandon par Citroën et la reprise par Fiat à la fin des années 1980, ce sera surtout la période Biturbo et ses nombreux dérivés, en coupé, cabriolet et berlines. L’exposition présente quelques exemples de cette production, avec un coupé 222 (1989), un spyder Zagato (1994) et un coupé Shamal (1992), lui équipé d’un V8 biturbo). L’exposition GT se termine par le Spyder GranSport, un des membres de la lignée des 3200 qui a renoué avec la tradition du Grand Tourisme de Modène, sans toutefois retrouver le lustre des modèles mythiques.

Si Maserati a eu de l’imagination pour nommer ses coupés et spyders GT, ça n’est pas le cas des berlines, simplement nommées « Quattroporte » ! Maserati lance sa première berline en 1963, dessinée par Frua dans le style des 3500 GT, et propulsée par le V8 maison de 4,2l. Elle recevra ensuite le V8 en 4,5l puis 4,7l. C’est la berline la plus rapide du monde à son époque, à la fois sportive, performante et luxueuse. On peut dire qu’elle a initié la catégorie des limousines sportives qu’on retrouvera ensuite chez les premiums allemands notamment. Le modèle exposé est de 1964, et correspond à la 1ère série, la 2ème série se différenciant notamment par ses phares ronds jumelés.

En 1971, Maserati présente le prototype de la 2ème génération, toujours dessinée par Frua, mais nettement plus moderne. La ligne est élégante, avec de petites « paupières » recouvrant partiellement les phares, et toujours avec le V8 de 4,7l. Mais comme entre temps Maserati a été racheté par Citroën, le projet est abandonné, seules 2 voitures ont été construites, et l’une d’elles est présentée. A ses côtés, la Quattroporte II officielle, conçue sous le contrôle de Citroën. La ligne dessinée par Gandini est très différente (j’ai personnellement une nette préférence pour la proposition Frua), le moteur est le V6 développé pour la SM, c’est une traction avant avec suspension hydropneumatique.

La voiture est assez lourde, sous-motorisée, et donc moins performante que la 1ère génération. En y ajoutant les difficultés de Citroën et la crise pétrolière, la Quattroporte II ne sera produite qu’à 13 unités. En 1979, sous la direction De Tomaso, la Quattroporte III retrouve les gênes de la Quattroporte Maserati, avec un design acéré signé Giugiaro (sur une base de De Tomaso Deauville) et surtout en propulsion avec le V8 de 4,2l sous le capot. Plus de 2000 unités seront produites en une dizaine d’années.

Dernier modèle exposé lors de cette rétrospective, le concept Alfieri a été dévoilé au Salon de Genève 2014 pour commémorer le centenaire de Maserati. Nommé en l’honneur d’Alfieri Maserati, il reflète l’héritage sportif de la marque. Le concept Alfieri a été salué par le public et nommé « voiture conceptuelle de l’année 2014 », prix décerné par un jury international d’experts lors de la Nuit du design automobile à Genève. Bien que l’Alfieri soit restée un concept, elle a influencé le design des modèles Maserati suivants.

Décoration sobre pour l’exposition Maserati 110 ans, la beauté des voitures présentées suffit ! Dans l’espace compétition du rez-de-chaussée, une grande photo rend hommage à Alfieri Maserati, pilote, ingénieur, visionnaire et l’âme de Maserati, disparu trop tôt malheureusement sans doute pour l’entreprise. Sur la mezzanine, une grande fresque sur tout l’espace GT reprend l’histoire de Maserati, des origines à nos jours.

Proche de l’espace pop up compétition du rez-de-chaussée, une Maserati Folgore « 110 ans » symbolise le future de Maserati, avec ce grand coupé GT 100% électrique.

Enfin, plusieurs vitrines de miniatures permettent de représenter toutes les Maserati produites, y compris celles qui ne sont pas exposées. Signalons également la présence de quelques motos siglées Maserati. Elles portent bien le nom et le trident, mais n’ont en fait pas été fabriquées par Maserati Automobiles, mais une autre branche de Maserati dont l’activité principale était les bougies d’allumage et les batteries. Naturellement, la boutique du musée autoworld s’est mise au thème Maserati pour proposer livres et miniatures sur la marque de Modène.

Autoworld a incontestablement réuni une sélection exceptionnelle de modèles de course et de route, rendant un hommage vibrant à une marque qui a connu une histoire en montagnes russes, mais qui a toujours conservé une belle image de marque auprès des connaisseurs. A noter aussi en parallèle à cette exposition Maserati, une autre exposition anniversaire est consacrée à Jacky Ickx qui aura 80 ans le 1er janvier 2025.

Les photos de cette page appartiennent à Automobile-Museums, aucun droit de reproduction sans l’autorisation expresse d’Automobile-Museums.