L’histoire de Michelin
Mondialement connu pour ses pneumatiques et ses guides, Michelin a installé l’Aventure Michelin à Clermont-Ferrand, ville de son siège social, son musée destiné à mieux faire connaitre son histoire et son univers. L’Aventure Michelin se déploie sur 2000 m², dans une muséographie à la fois historique et thématique.
Les espaces se succèdent dans un parcours clair, présentant beaucoup d’objets et de nombreuses explications très claires, même pour le néophyte. L’Aventure Michelin est au cœur d’un quartier « Michelin » avec l’usine historique de Cataroux et en face du musée, le stade de Rugby Marcel Michelin de l’ASM.
Si les frères Michelin n’ont pas inventé le pneumatique, ils ont beaucoup contribué à son développement, tant technique que commercial. Améliorant le produit d’origine, innovant et déposant de nombreux brevets, ils se sont tout de suite intéressés à ses usages, en ayant bien compris qu’il fallait créer l’intérêt et le besoin pour développer rapidement l’utilisation du pneu, ce qu’on appellerait aujourd’hui une stratégie marketing. L’idée peut sembler simple, encore fallait-il la formuler et surtout l’appliquer : le pneumatique doit devenir un élément indispensable de la mobilité sous toutes ses formes, dès lors plus il y aura de déplacements, plus il se vendra de pneus !
Mes coups de coeur
Le patrimoine de l’Aventure Michelin et très riche, à la fois en véhicules, en objets liés à la mobilité et en documents visuels ou sonores. Quelques coups de cœur à distinguer :
- Le Mille pattes, 9 tonnes, 2 moteurs V8, 10+1 roues, pour tester les pneus de camions à grande vitesse
- Le bureau des itinéraires, pour le contraste avec le GPS et l’internet d’aujourd’hui
- La « moto-roue », un autre engin très spectaculaire
Entretien avec Stéphane Nicolas
Responsable du patrimoine historique du groupe Michelin Quelle est la genèse de l’Aventure Michelin ? L’Aventure Michelin a ouvert en 2009, avec pour objectif de valoriser le patrimoine historique de Michelin et ainsi promouvoir la marque, de partager avec le grand public l’aventure des frères Michelin et l’histoire de l’entreprise, mais aussi de parler du futur. Michelin ne construit pas de voitures, mais plusieurs sont exposées dans le musée… Oui, effectivement. Les véhicules exposés sont variés, ils représentent différents univers dans lesquels Michelin a apporté ou continue d’amener de l’innovation. Plusieurs sont en quelque sorte les témoins de ces progrès, ils permettent de raconter et d’illustrer l’histoire. Que représente le patrimoine de l’Aventure Michelin ? Nous exposons environ un millier de pièces, ce qui représente moins de 10% du patrimoine ! Michelin est une grande entreprise industrielle, avec une très forte tradition d’ingénierie, de création, d’innovation dans de très nombreux domaines généralement liés à la mobilité. L’entreprise est plus que centenaire (création en 1889), et a toujours eu son siège à Clermont-Ferrand, ce qui explique aussi en partie la richesse de ce patrimoine. Aujourd’hui, l’Aventure Michelin occupe environ 2000 m², et il y a une réflexion pour étendre l’exposition et pouvoir présenter plus de pièces. D’autant que l’équipe continue de collecter des objets dans le monde entier, et que bien sûr Michelin continue d’innover. Quelques mots sur la muséographie ? Michelin est connu pour quelques produits comme les pneumatiques ou les guides… Nous essayons donc de faire découvrir d’autres facettes de l’entreprise, de montrer toute la créativité derrière les objets. L’idée est toujours de replacer les innovations Michelin dans le contexte historique et sociétal. Les visiteurs viennent souvent en famille, et passent entre 1h30 et 2h dans les différents espaces scénographiques, et il faut que chacun y trouve son intérêt. Nous recevons plus de 100 000 visiteurs par an, ce qui confirme le succès de la démarche auprès du public, et son attrait pour une histoire industrielle qui croise la vie quotidienne. D’autres projets ? Oui. Par exemple, nous disposons d’un très grand fonds d’archives (documents, films, affiches publicités…), qui est en cours de numérisation. Ceci permettra de le rendre plus facilement accessible aux chercheurs, et ouvrira de nouvelles voies d’exposition.
Le début de l’aventure
Devant l’entrée, un énorme pneu destiné aux camions de transport des mines rappelle un domaine clé de Michelin, sans doute moins connu du grand public. Avec plus de 4m de diamètre, un poids de plus de 5 tonnes, ce pneu pour des camions de 600 tonnes (!!!) peut être qualifié de pneumatique de l’extrême. En entrant, l’accueil offre une autre vue assez spectaculaire avec une Micheline (un autorail sur pneus), un avion biplan Breguet-14 de la 1ère guerre mondiale suspendu, et une monoplace de Formule E (Compétition de Grand Prix en full électrique). Le visiteur est ainsi plongé immédiatement dans la diversité des activités de Michelin, décidément pas que des pneus de voitures de tourisme…
On entre dans l’exposition par la partie historique, qui permet de dérouler la chronologie de la création de l’entreprise, ses premières créations et tout de suite la démonstration par les usages qui en fera le succès. Tout d’abord en vélo, la première salle est consacrée à la course Paris-Brest-Paris de 1891, vélo et pneu, photos et commentaires d’époque pour illustrer une course de 1200 km sans étape prévue, sinon le minimum de ravitaillement des coureurs ! Le vainqueur est le seul coureur équipé du nouveau pneu démontable breveté par Michelin.
Quelques années plus tard, en 1895, c’est l’automobile encore balbutiante qui est visée. Même démarche que la course cycliste, mais cette fois les frères Michelin construisent une voiture pour participer eux-mêmes à la course Paris-Bordeaux-Paris et démontrer l’intérêt du pneumatique. Châssis Peugeot et moteur Daimler, pneus Michelin, cette auto unique a tendance à avancer en zig-zag, d’où son surnom de l’Éclair ! Contrat rempli, malgré de nombreux problèmes et incidents, la voiture termine la course dans le temps imparti. La voiture présentée ici est une réplique de l’Éclair original.
Quelques pas encore, et le tricycle de Dion symbolise le 3ème jalon des débuts de cette aventure. Les constructeurs de voitures hésitant à équiper leurs modèles de pneumatiques, Michelin achète 100 tricycles de Dion et 200 voiturettes Bollée, un semestre complet de production, et les vendent directement équipés de pneumatiques. Succès rapide, la démonstration est faite et l’automobile adopte le pneu ! Michelin continue à s’impliquer dans la compétition auto et moto sous plusieurs formes, vecteur d’innovation et de démonstration, illustré par de nombreuses photos, documents et panneaux.
Au passage, plusieurs types de roues et pneumatiques sont exposés, montrant les recherches et expériences pour améliorer le confort et la robustesse dans ces temps où le goudron était rare et les nids-de-poule nombreux.
Le développement industriel
Un peu plus loin, une Citroën Type A de 1919 présente une autre avancée. C’est la 1ère voiture construite en « grande » série en Europe, et entre autres nouveautés, elle est équipée en standard de roues avec pneumatiques, et même d’une roue de secours !
Dans la salle dédiée au pneu à carcasse radiale, l’une des inventions majeures de Michelin, trône une Citroën Traction. Auto apparemment banale mais unique car son essieu arrière avait été modifié pour tester ces nouveaux pneus. Symbolique aussi car Michelin a été le premier et longtemps le seul fabricant de pneus à effectuer des tests dynamiques. Cette véritable révolution permet à l’entreprise un développement majeur jusqu’à devenir leader mondial, et le musée présente les principes, avantages et évolutions tout autour de la salle.
Un autre espace présente le Mille pattes, sans doute le véhicule le plus spectaculaire de l’Aventure Michelin. La voiture ressemble à un break Citroën DS qui serait bodybuildé. Construit en 1972, le Mille pattes pèse 9 tonnes, dispose de 10 roues et 2 moteurs V8 de 200 chevaux chacun. La 11ème roue, disposée au centre du véhicule, sert à tester à très haute vitesse (environ 160 km/h) les pneus destinés aux camions et autocars, à une époque où on pensait que les vitesses continueraient à augmenter régulièrement. Le Mille pattes a été utilisé pendant plusieurs années sur les pistes d’essai de Michelin, l’engin n’étant évidemment pas homologué pour rouler sur route. S’il est orange, c’est d’ailleurs pour être mieux vu lorsqu’il circulait sur les pistes d’essais.
Avion et train
L’Aventure Michelin présente également d’autres domaines d’activité de l’entreprise, moins connus que le pneumatique automobile. Une salle présente les premiers développements dans le domaine de l’aviation, Michelin ayant très tôt perçu l’intérêt des avions dans un usage militaire. Avant la Première Guerre mondiale, Michelin participait au développement des premiers avions, notamment par des concours et des bourses récompensant les progrès accomplis.
Par exemple, une somme de 100 000 Francs est promise au premier avionneur capable de relier Paris au sommet du Puy de Dôme, exploit réalisé en 1911. L’objectif était notamment de convaincre les états-majors de l’intérêt de ce nouvel équipement pour les conflits à venir. Les essais et les développements successifs conduiront finalement au Breguet XIV dont Michelin construira presque 1600 exemplaires durant le conflit. C’est d’ailleurs près de Clermont-Ferrand que sera construite la première piste cimentée au monde, permettant le décollage des avions par tous les temps.
Si l’entreprise n’a pas continué dans le développement des avions, les pneus pour avions restent une activité significative de l’entreprise.En 1929 Michelin s’attaque à un nouveau domaine avec le ferroviaire. Ayant constaté l’inconfort des trains classique, Michelin décide d’adapter le pneumatique au train, et développe à cet effet un autorail, la fameuse Micheline. Outre le confort supplémentaire apporté par l’usage de pneumatiques, les Michelines sont aussi plus rapides, freinent mieux et s’usent moins que les trains classiques. Le premier prototype sera construit à partir d’une Renault 40 chevaux avec un châssis rallongé. Plusieurs prototypes seront construits au début des années 1930, et un voyage de démonstration aura lieu dès 1931 entre Paris et Deauville.
En 1936, les Michelines circulent sur plusieurs tronçons ferroviaires en France, transportant une centaine de passagers à une vitesse de croisière de 120 km/h. Si la Micheline est présentée dans plusieurs pays européens et aux États-Unis, obtenant même les autorisations de circulation dans plusieurs pays, elle sera essentiellement déployée qu’en France et dans certaines colonies françaises, en Afrique et en Asie. La Micheline restera en service en France jusqu’en 1952, et même un peu plus tard en dehors de la métropole. Une maquette de l’un des premiers prototypes et de grands panneaux muraux détaillent la genèse et l’histoire de ce véhicule.
Compétition et motos
La compétition, domaine dans lequel Michelin a toujours été très actif, est bien sûr présente au musée. Cette participation est représentée ici par une Formule-E, formule monoplace de Grands Prix électriques dans laquelle Michelin est très impliqué. Plusieurs panneaux expliquent aux visiteurs l’intérêt pour Michelin de participer à la course automobile.
On quitte l’automobile pour la moto, autre domaine dans lequel Michelin est également très investi. Plusieurs motos sont ainsi présentées à l’Aventure Michelin, comme cette moto de 1977 équipée d’un moteur de 950 cc « gonflé » afin de tester en condition réelles d’exploitation les pneus radiaux dédiés à la moto. 2 autres motos présentent d’autres conditions de test, avec cette moto développée spécifiquement pour les courses d’endurance afin de tester les pneumatiques dans des conditions extrêmes et sur de longues distances. Dernière moto présentée, une machine développée pour les courses de GP moto électriques, afin de tester des pneus soumis à des contraintes particulières, notamment le couple très important et instantané.
L’activité tourisme
Outre les véhicules présentés à l’Aventure Michelin et principalement en lien la fabrication de pneumatiques, une section importante du musée est consacrée au tourisme sous ces différentes formes, autre domaine dans lequel Michelin a acquis une réputation mondiale au travers de ces guides touristiques et gastronomiques. La signalisation, bornes et panneaux indicateurs, dont Michelin fut l’un des principaux promoteurs n’est pas oubliée, l’objectif ici étant toujours de faciliter la vie de l’automobiliste, et donc de développer l’usage et à terme les besoins en pneus.
Une carte Michelin géante rappelle aussi l’activité de production de cartes, complémentaire aux guides touristiques, même si à l’époque du GPS les plus jeunes ignorent sans doute l’utilisation, voir l’existence des cartes papier. Une Citroën 2 CV traverse cette carte géante, moyen de rappeler que Michelin, alors propriétaire de Citroën, est à l’origine du cahier des charges qui amènera le développement et la fabrication de ce véhicule particulièrement populaire.
Ne manquez surtout pas la petite pièce, dans laquelle une vidéo et un échange téléphonique rappellent le service de consultation d’itinéraires que Michelin avait mis en place pour faciliter les déplacements des automobilistes. Là encore à notre époque d’internet omniprésent, on est surpris par ce service très personnalisé.
Une autre partie de l’Aventure Michelin met en avant les activités de marketing. Si la promotion des produits est beaucoup assurée par la démonstration « en réel » et la compétition, l’activité liée au marketing plus classique et aux objets drivés a toujours été très active, et plusieurs vitrines et photos présentent de nombreux objets qui rappelleront certainement des souvenirs à beaucoup de visiteurs. Le fameux Bibendum, silhouette associée à la marque est évidemment à l’honneur.
Conclusion
Vous découvrirez encore d’autres choses étonnantes, comme cette « moto-roue » qui a accompagné le Tour de France cycliste 1997. La variété des sujets abordés, la qualité de la muséographie et le parti pris iconographique font de la visite de l’Aventure Michelin une activité familiale qui se révèle très ludique et instructive, même pour les connaisseurs.
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