Histoire du Musée Automobile de l’Aunis
Le Musée Automobile de l’Aunis tient son nom de sa localisation, une région historique et culturelle française, correspondant de nos jours au quart nord-ouest du département de la Charente-Maritime. Auparavant musée de Ciré d’Aunis, il a changé de nom lors de son déménagement de quelques km en 2022. Gilles Gaudissart, le maitre des lieux, a commencé sa collection par hasard, comme beaucoup de collectionneurs. Il a acheté une ancienne en 1991, en l’occurrence une Citroën Traction en piteux état qu’il entreprend de restaurer. La passion est née pour les anciennes voitures et leur restauration. D’autres suivront, et l’homme se retrouve avec une collection qu’il décide de partager avec le public en ouvrant un musée. Le premier lieu ouvre en 2019 à Ciré d’Aunis, sur 700 m² puis 1000 m² d’anciens ateliers. Toutefois, le lieu s’avère rapidement trop petit pour bien présenter la collection, et Gilles Gaudissart se lance dans un projet de construction d’un local plus grand et aménagé spécifiquement pour sa collection. Le but est d’une part de montrer plus de voitures, et aussi de mieux les mettre en valeur. Mené sur près de 3 ans, le projet aboutira à l’ouverture du nouveau lieu à l’été 2022, à quelques kilomètres de Ciré d’Aunis, d’où le changement de nom. Il présente une centaine de voitures, avec la collection de Gilles Gaudissart et quelques autos prêtées par des collectionneurs locaux.
Mes coups de coeur
Dans un tel musée, chaque visiteur s’arrêtera sur une auto ou une autre, en fonction des souvenirs, des passions ou des émotions qu’elle évoque. Quelques coups de cœur à distinguer, mais toujours subjectifs :
- Citroën Type C 1924, jaune pimpante
- Mercedes 190 SL Cabriolet 1960, superbe en rouge avec intérieur cuir noir
- Talbot Lago T26 1948, qui respire la puissance et le luxe
- Peugeot 301D spider 1935 avec son étonnant son style hot-rod
Présentation du Musée
Le Musée Automobile d’Aunis est désormais installé dans un grand bâtiment fonctionnel de plus de 3500m², facilement accessible depuis Rochefort ou La Rochelle. Un très grand parking permet d’accueillir facilement des visites de club, et le bâtiment a été conçu pour permettre l’accès aux personnes à mobilité réduite. Passé l’accueil qui propose une petite boutique et la possibilité de prendre un café ou une boisson fraiche, on pénètre dans un très grand hall et on découvre la collection. Peu de piliers pour ne pas gêner la vue, des baies vitrées et des fenêtres de toit laissent entre la lumière, l’éclairage étant complété par de grandes rampes de LED. Le hall est ainsi très lumineux, sans que la lumière ne génère des reflets parasites sur les carrosseries. Gilles Gaudissart a choisi de ranger les autos en files doubles, avec suffisamment d’espace entre elles pour bien les observer. L’autre choix a été de les disposer dans l’ordre chronologique, ce qui permet de suivre l’évolution du style et des techniques automobiles. La grande majorité des voitures exposées est en ordre de marche et prête à démarrer. Toutefois, un ilot au centre montre quelques autos dans leur jus d’origine ou avec un début de restauration, ce qui permet au visiteur de prendre la mesure du travail de restauration. S’il privilégie les voitures françaises et expose de nombreuses marques aujourd’hui disparues, y compris quelques curiosités locales, le musée possèdes aussi quelques belles autos venues d’Europe ou des États-Unis. Pour chaque voiture, une petite fiche descriptive (français/anglais) donne quelques détails sur le modèle, origine, motorisation, volume de production...
La visite
Respectant le choix de présentation du musée, nous explorerons aussi la collection en ordre chronologique, et tous cas par grandes périodes. Il ne s’agira pas de détailler chaque voiture, mis plutôt de s’attarder sur quelques modèles plus rares ou, ceux qui m’ont plus particulièrement intéressé, même si toutes les autos sont dignes d’intérêt, et que selon vos gouts ou vos souvenirs, vous serez plus attirés par d’autres modèles.
Les voitures jusqu’en 1930
La plus ancienne ne l’est pas tout à fait, puisqu’il s’agit d’une reproduction d’une voiture à hélice anglaise de 1910. S’inspirant de l’aéronautique naissante, plusieurs constructeurs s’essayèrent à la traction par hélice, le plus connu que le français Helica, dont on retrouve des modèles dans plusieurs musées. A côté de Citroën, Peugeot et Renault, on trouve aussi des marques disparues comme Delage ou Panhard & Levassor, et d’autres dont la trace s’est souvent effacée dans nos mémoires.
La Renault AG1 (1912 pour ce modèle) est le taxi parisien d’avant-guerre, et il entrera dans l’histoire comme le « Taxi de la Marne » quand 2500 taxis seront réquisitionnés en 1914 par l’armée pour transporter les soldats sur le front. Une autre voiture s’est illustrée pendant la guerre, le Zèbre Type C utilisé par l’état-major, qui ordonnera leur destruction à la fin de la guerre, et le modèle exposé est l’un des 2 survivants ! L’Amilcar se limitait à 350kg pour éviter les taxes, alors que Mathis avait adopté le slogan « le poids, voilà l’ennemi » que Colin Chapman (créateur de Lotus) reprendra avec son « light is right » !
La Citroën type C de 1924, célèbre par son arrière en pointe, version cabriolet dans sa fameuse couleur jaune citron a été l’une des toutes premières voitures fabriquées en série en Europe. Dès les années 1920, les clients cherchent le confort d’une voiture fermée, à l’opposé des torpédo ouverts, et Delage (DS 1922 et DR 70 1929), De Dion Bouton (IM 1924), Talbot (K74 1929) ou Panhard & Levassor (X68 1930) proposent des berlines ou limousines équipées de puissants moteurs 6 cylindres. Notez sur la Delage DS et la Talbot les élégantes calandres thermostatiques, dont les volets s’activent automatiquement selon le besoin de refroidissement du moteur, fonction remise en œuvre ces dernières années pur améliorer l’aérodynamisme.
Citons aussi sur cette période 2 autos étrangères qui se sont glissées dans la collection, la célébrissime Ford T, ici un exemplaire coupé docteur de 1927, un des derniers modèles fabriqués, et une Fiat 520 dans une carrosserie originale et unique cabriolet-spider venue d’Angleterre. Une autre carrosserie unique, un peu étrange à vrai dire, est celle d’une Citroën C2 de 1924, recarrossée dans les années 1930/1940 en coupé 2 places « châssis court ».
De 1930 à 1950
La première mention de cette période va à la Citroën Traction 7C. C’est une voiture assez courante malgré son âge, mais c’est surtout la première voiture ancienne de Gilles Gaudissart, sa première restauration complète, et qui fait toujours partie de l’exposition. 2 autres Traction sont exposées, une 15/6 à moteur 6 cylindres de 1949, surnommée à son époque « la reine de la route » pour ses performances, sa tenue de route et son confort. La 3ème est une 7 UA commerciale, équipée d’une carrosserie spéciale bois et acier qui la distingue des lignes classiques de la Traction.
Pour rester dans les « reines de la route » proposées dans cette période, 2 autos sortent du lot, la Rolls Royce 20/25 de 1933 et la Talbot Lago T26 de 1948. A cette époque, Rolls Royce livrait les châssis nus aux carrossiers, et celle-ci est habillée d’une carrosserie en aluminium Trupp & Maberly, bicolore rouge et noir. Imposant moteur 6 cylindres en ligne, calandre thermostatique, avec son logo RR rouge. Après 1933 et le décès de Henri Royce, ce logo devient noir. Autre particularité, la mascotte du radiateur, la fameuse Spirit of Ecstasy, pivote de 90 degrés pour permettre d’ouvrir le capot.
Avec sa carrosserie « coach surprofilé », son grand capot abritant un 6 cylindre en ligne de 4,5L délivrant 170ch, le très élégant coupé Talbot Lago T26 était la voiture la plus chère et la plus puissante du salon de Paris 1948 ! L’auto est dans un état exceptionnel, avec seulement 30 000 km au compteur ! Un peu moins puissant, un cabriolet Hotschkiss AM 80S de 1936, 6 cylindres également, avec une grille de radiateur en fer à cheval caractéristique, témoin de la passion du constructeur pour les chevaux. La Delahaye 134 (1935) se distingue par une carrosserie brun bicolore, mais surtout sans montant central entre les portières antagonistes, ouvrant sur un bel intérieur cuir et bois.
La Licorne (aussi connue sous le nom de Corre-La Licorne) est une marque disparue, mais qui produisit plus de 30 000 voitures en près d’un demi-siècle d’existence. La MV2 de 1930 est un petit torpédo, tandis que la berline 316 Rivoli (1937) et le cabriolet 419 Week end (1939) sont basés sur un châssis maison avec une carrosserie et un moteur dérivés de la Citroën Traction.
Dans les années 1930, le spider désigne un coffre situé derrière l’habitacle qui offre 2 places dans un confort tout relatif. Plus tard, le terme (avec un i – spider – ou un y – spyder – selon les modes) désignera un cabriolet. On en trouve quelques exemples avec 2 Renault et 2 Peugeot. La Renault Celtaquatre de 1935 est un petit coupé, équipé d’un 4 cylindres de 1,5L, tandis que la Vivasport représente le haut de gamme Renault avec son 6 cylindres en ligne, surtout dans cette version roadster. Un coupé et un roadster pour Peugeot également, avec ce coupé spider 301D (1935) surbaissé, qu’on prendrait presque pour une transformation hot-rod. Le roadster 402 (1937), reconnaissable à sa calandre qui abrite les 2 phares au centre, est une version rare puisque moins de 600 exemplaires furent produits. Notez sur ces spiders les petits marchepieds à l’arrière et sur les ailes, destinés à faciliter (???) l’accès aux sièges du spider.
La BMW 327/28 (1938) cabriolet est un autre modèle rare (moins de 600 exemplaires produits), sportif et élégant, et qui a brillé en compétition. Sportive aussi, encore plus rare (80 exemplaires), le Georges Irat MM de 1935 est un joli petit roadster concurrent des productions anglaises, réputé pour sa tenue de route. Notez le plancher ouvert qui permet encore d’alléger la voiture.
3 autos fabriquées en France ont des accents transalpins, la Lancia Belna (1936) était une Lancia Augusta, construite en France pour éviter les taxes d’importation, alors que les 2 Simca sont des modèles Fiat rebadgés et fabriques en France, la Simca 5 coupé découvrable n’étant autre qu’une Fiat Topolino. Citons enfin une curiosité qui se retrouve aujourd’hui dans l’air du temps, avec la CGE Tudor de 1941, un cabriolet 2 places 100% électrique, spécifiquement conçu pour la traction électrique ; on voit à la fiche technique que les problèmes de poids (450kg de batteries) et d’autonomie (80 à 90km) sont toujours d’actualité.
Après 1950
Sur cette période, qui s’étend au Musée Automobile de l’Aunis jusqu’en 1975, la collection est aussi éclectique, avec les populaires Citroën 2 CV et Renault 4CV, et à l’opposé les sportives et prestigieuses Lancia Aurelia B20 GT et Citroën SM. La SM (1970) est l’une des récentes acquisitions, qui doit passer par une petite restauration et un passage en peinture pour retrouver une couleur d’origine. Plus ancienne, la Lancia Aurelia B20 GT (1952) est l’une des préférées du maitre des lieux. Ce superbe coupé sportif rappelle les heures glorieuses de la marque italienne, avec le 1er moteur V6 de série au monde.
La collection expose plusieurs cabriolets de cette période, avec la Simca Week End (1956), la Mercedes 190 SL (1960), la Facel Vega Facellia (1961), l’Alfa Romeo Giulia Spider (1965), la Sunbeam Alpine (1966), la Peugeot 304 S (1972) et la Lancia Beta Spider (1975). Cette dernière n’est d’ailleurs pas vraiment un cabriolet malgré son nom, mais un coupé targa (toit amovible). Notons que la Simca Week End et la Facel Vega sont en quelque sorte cousines, puisque leur dessin était de Jean Daninos (créateur de Facel Vega) et leurs carrosseries fabriquées par Facel Métallon (ainsi que pour le coupé Simca Plein Ciel de 1957 également exposé).
Les amateurs d‘américaines se réjouiront devant une belle Ford Mustang V8 Fastback (la plus rare) de la 1ère génération (1965). Terminons la revue des années 1950-1970 par 2 voitures originales et rares, mais très différentes. La Citroën M 35 (1970) est une sorte de coupé sur base de Citroën Ami 8, mais équipée d’un moteur rotatif (licence Wankel) que Citroën construisit à environ 260 exemplaires pour tester cette technologie moteur en conditions réelles, par de vrais conducteurs. Les M 35 étaient toutes identiques, gris métal, intérieur noir, avec leur numéro sur l’aile avant. A la fin du test, Citroën récupéra presque toutes les autos pour les détruire, mais quelques-unes furent conservées par leurs propriétaires et font aujourd’hui le bonheur de quelques musées.
L’autre curiosité est la Moustiquette, une tentative rochelaise de construction d’une voiturette 2 places. Cette Moustiquette est en quelque sorte la vedette d’une petite présentation de constructions locales plus ou moins abouties.
L’ilot restauration
On l’a évoqué plus haut, Gilles Gaudissart a eu la bonne idée de créer au milieu du musée un petit ilot avec une petite dizaine d’autos dans leur jus, en attente de restauration. Les voitures sont plus ou moins dégradées, mais toutes attendent patiemment leur tour pour passer entre les mains expertes de l’équipe du musée. Lors de notre visite par exemple, s’y trouvaient 2 Citroën, une B10 Torpédo (1925) et une C6F berline (1931) transformée en bétaillère avec un gazogène.
Peut-être les verrez-vous remises en état lors de votre visite ! En tous cas, il est intéressant de les observer dans le détail, on regarde alors les autres voitures exposées, surtout les plus anciennes, avec un autre œil, en étant admiratif du travail accompli devant les carrosseries pimpantes et les intérieurs accueillants.
La décoration
De nombreuses plaques émaillées d’origine sont suspendues ou accrochées au mur, tandis que le mur du fond du musée représente une rue avec ses commerces, dont un garage et une station-service avec ses vielles pompes à essence. La décoration est complétée par des mannequins en habit d’époque (selon l’âge des voitures) ainsi que de nombreux objets liés à l’automobile et à la route.
Une quinzaine de motos, un camion de pompiers et quelques voitures à pédales s’ajoutent à l’exposition. Le Musée Automobile d’Aunis dispose également d’un vaste atelier complet, y compris pont élévateur et cabine de peinture pour la restauration des voitures, pratiquement réalisée entièrement en interne, seule la sellerie faisant appel à un artisan local.
Conclusion
Le Musée Automobile de l’Aunis réunit une très intéressante collection, avec de nombreux modèles rares et originaux, et qui évolue régulièrement au gré des restaurations et des nouvelles trouvailles. Vaste, clair et aéré, le lieu se prêt à une flânerie au milieu de modèles qui éveilleront la curiosité et raviveront les souvenirs du visiteur.
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Les musées sont des lieux vivants, et donc le contenu ou la disposition peut avoir changé entre la publication de cet article et votre visite. La disposition peut être différente, des voitures peuvent être absentes (révision, entretien, prêt…) et de nouvelles ont pu rejoindre l’exposition.