Introduction
Voici la 2ème partie de l’article de visite du Conservatoire Citroën et DS. La 1ère partie consacrée aux productions depuis la création en 1919 jusqu’à la SM a été publiée avec la Newsletter de mars 2023, et vous pouvez la retrouver ici. Voici la seconde partie, qui démarre avec quelques modèles après les années 1970, mais est surtout consacrée à la compétition, aux études de style et concept cars, et à d’autres aspects thématiques.
Mes coups de coeur
Avec près de 300 voitures, le Conservatoire Citroën et DS présente aussi bien des voitures de série que des prototypes, des concepts et des voitures de course. A ne pas manquer (mais ça reste subjectif) dans cette seconde partie :
- La DS Groupe V 1972 et la SM Bandama 1973, une époque de voitures de rallyes improbables
- La lignée des WRC, qui rappelle une moisson de victoires et de titres pour Citroën et Sébastien Loeb, quand la domination de la discipline avait valu à l’écurie Citroën le surnom « l’Armée Rouge »
- L’ilot des concept cars, avec plusieurs idées qu’on aurait adoré voir se concrétiser
Modèles post 1970 et Youngtimers
La matière du Conservatoire Citroën et DS étant particulièrement riche, j’ai fait le choix de traiter dans cet article les modèles « classiques », et de ne pas présenter les voitures plus récentes, en gros à partir des années 1970/1980, plus connues et qu’on voit encore régulièrement circuler dans nos rues. Toutefois quelques autos présentées méritent un petit « coup de projecteur ».
Tout d’abord, la M 35 de 1970 pourrait être vue comme un coupé 2+2 dérivé des AMI. La M 35 utilise effectivement une partie de l’avant de l’AMI 8, mais le reste est spécifique même si on sent bien à la ligne que l’esthétique n’a pas été la préoccupation première des ingénieurs. Citroën s’intéresse au moteur rotatif Wankel, et développe la petite série M 35 équipée d’un monorotor afin de la faire tester à grande échelle par des conducteurs, clients Citroën et roulant au moins 30 000 km par an. 500 exemplaires sont prévus, un peu plus de la moitié sera effectivement produite, le numéro dans la série étant inscrit sur l’aile avant, mais en sautant régulièrement des numéros, ce qui entrainera une certaine confusion sur le nombre effectif produit.
A la fin du test, Citroën souhaite récupérer tous les modèles pour les détruire. Fort heureusement, flairant sans doute le futur collector, plusieurs propriétaires ou concessionnaires « oublieront » de renvoyer leur voiture, ce qui permet aujourd’hui d’en trouver régulièrement dans des musées et de rappeler cette page d’histoire. A partir de cette expérience, Citroën développera une GS Birotor présentée en 1973 et qui devait être la version de pointe de la gamme GS, affichant une puissance de plus de 100 ch, importante pour une berline moyenne de l’époque. Les soucis de fiabilité et la consommation importante (jusqu’à 20 litres/100 km) auront raison de cette version, moins de 850 exemplaires étant produits. Là encore, Citroën souhaitera récupérer les voitures vendues pour le détruire, mais heureusement encore, une cinquantaine échappera au marteau pilon et ces autos font le bonheur des collectionneurs et de quelques musées, dont bien sur le Conservatoire Citroën.
Entre les GS et CX, le Projet L préfigure la CX qui doit prendre la succession de la DS vieillissante. La ligne aérodynamique et élégante rappelle plusieurs études de carrossiers dans les années 1970, on retrouve le logo et la prise d’air sur le capot comme la SM, mais avec une calandre plus conventionnelle.
2 séries spéciales destinées à l’homologation Groupe B se détachent des modèles plus classiques. La Visa 4×4 1000 Pistes de 1984 transforme la petite citadine Visa en bête de course, destinée notamment aux terrains cassants. Le nom lui vient d’ailleurs de la victoire remportée en 1983 sur ce rallye terre par le prototype qui servira à l’élaboration du modèle. Si la version de production (200 unités) est « civilisée », le modèle présenté ici est dépouillé de sa banquette arrière et muni d’un arceau, prêt à affronter la compétition.
La BX 4 TC (4 roues motrices, moteur Turbo) est aussi produite à 200 exemplaires pour l’homologation en Groupe B. Capot bombé, ailes très élargies, la BX 4 TC ne cache pas son caractère, même si elle se présente comme une berline sportive et confortable. La CX Gti Turbo2 est la version ultime de la CX. Si de l’extérieur, rien ne la distingue d’un modèle classique, le modèle présenté au Conservatoire est une version en finition Prestige, blindée haute protection développée pour répondre à la demande clients exposés.
Citons enfin la Xantia Activa V6 de 1996, haut de gamme de la famille Xantia, une grande routière performante et confortable avec son V6 de 194 ch et sa suspension active.
La compétition
La compétition pour Citroën, c’est principalement le rallye. Si chacun se souvient probablement des victoires et titres de Citroën et Sébastien Loeb (recordman du nombre de victoires et de titres) en Championnat du Monde des Rallyes entre 2002 et 2012, la présence de la marque en rallyes est bien plus ancienne. J’ai mentionné dans la 1ère partie de cet article la Traction qui courut en rallye dans les années 1930 et surtout au début des années 1950, aux mains de pilotes privés, remportant de nombreuses épreuves, surtout hivernales lorsque la tenue de route primait sur la puissance.
La DS prend le relais à la fin des années 1950, remportant notamment le Rallye de Monte Carlo 1959. L’équipe Citroën Compétition (aujourd’hui Citroën Racing) apparait en 1965 sous l’impulsion de René Cotton, participant principalement aux rallyes difficiles, sur neige ou sur des pistes cassantes où la suspension et la tenue de route sont primordiales. A cette période, les voitures sont très proches des voitures de série, mais dans les années 1970, la concurrence est rude, les règlements sont assez ouverts, et permettent de créer des transformations spectaculaires. Au Conservatoire, ce sont essentiellement ces autos, DS et SM largement modifiées qui sont exposées.
Ainsi ces 2 DS Coupé de 1972, homologués en Groupe V, le plus permissif. L’une (la bleue) est raccourcie, avec un arrière profondément modifié. Vu de l’arrière, difficile de reconnaitre une DS ! Le moteur est aussi poussé à près de 200 ch. L’autre (orange) ressemble plus à une DS dont on aurait coupé un quart au niveau des portières arrière. Elle porte le sigle DS 21, mais est en fait équipée d’un V6 de SM porté à 250 ch. Bjorn Waldegarrd termine la Ronde de Chamonix 1972 sur 3 pneus, l’un des pneus avant ayant déjanté dans un virage au ¼ de la course, ce qui ne l’empêche pas de finir 2ème.
La SM fait sa 1ère sortie en compétition au Rallye du Maroc 1971. Elle est presque de série, simplement renforcée et elle remportera la course avec plus d’une heure d’avance. A cette époque, les rallyes africains – Maroc, Sénégal, Bandama en Côte d’Ivoire ou Safari au Kenya – sont de véritables raids marathons de 3000 à 4000 km, sur des pistes cassantes, souvent ouvertes à la circulation et sans les parcs d’assistance des rallyes modernes. C’est justement le Rallye Bandama de 1973 auquel participe la SM largement raccourcie avec son arrière tronqué (parfois surnommé camionnette) présentée au Conservatoire. Avec son moteur poussé à 250 ch et ses suspensions hydrauliques, elle pouvait avaler les spéciales sur pistes à plus de 200 km/h, performance unique à cette époque.
Dernière voiture présentée de cette période, la CX prend la suite. La voiture exposée termine 2ème au Sénégal en 1977. 30 voitures au départ, 7 seulement à l’arrivée, dont 5 CX. C’est dire la dureté de l’épreuve et la performance de l’équipe Citroën. Un modèle identique l’emportera l’année suivante.
Dans cette même décennie, la 2 CV s’illustre aussi dans d’autres types de challenges sportifs. La 2 CV est aussi une exploratrice, et Citroën organisa plusieurs raids et expéditions, comme le Paris-Kaboul-Paris de 1970, le Paris-Persépolis-Paris de 1971 ou le Raid Afrique de 1973, représentés par 3 autos ayant participé à ces évènements exceptionnels. A côté de ces voyageuses au long cours, une 2 CV Cross, participante de cette compétition de « vitesse » sur pistes de cross, montre l’étendue des talents de l’auto. Pendant plusieurs années, un championnat mettra aux prises des 2 CV dépouillées et allégées, proposant ce qui était alors certainement la formule de course automobile la moins onéreuse ! La 2 CV ayant aussi participé à de nombreuses courses sur route aux mains de pilotes privés, on la revoit régulièrement dans les épreuves de course historique, sur route ou encore sur les épreuves sur glace !
Au milieu des années 1980, Citroën s’engage en Championnat du monde des rallyes, avec la Visa 100 Pistes d’abord (voir plus haut), puis avec la BX 4 TC Groupe B en 1986 dérivée du modèle de petite série présenté plus haut. Mais face aux redoutables Audi Quattro, Lancia 037 et Delta S4 ou Peugeot 205 Turbo 16, la BX 4 TC n’était pas compétitive, et l’arrêt du Groupe B par la FISA (Fédération Internationale) mit fin à l’opération.
Dans les années 1990, Citroën s’engage dans les rallyes raid avec la ZX. Il s’agit en fait de purs prototypes, dont la ligne rappelle de loin la ZX de série, et qui récupèrent de nombreux éléments des Peugeot 405 T16 qui ont écumé ces épreuves les années précédentes. Entre 1990 et 1997, Citroën remportera 36 victoires, dont 4 fois le « Dakar » et 5 coupes du monde FIA Pilotes et Constructeurs. On retrouve 3 exemplaires de ZX Rallye Raid, avec l’auto victorieuse du Dakar 1991, une EVO 3 vainqueur du Dakar 1995, puis la dernière EVO 5 qui a couru le Dakar 1996. Très larges, très hautes pour passer les dunes et les pistes, grand débattements des suspensions, gros ailerons arrière, moteur central… on est bien loin des sages ZX de série !
Changement de discipline et d’échelle en 1998, avec la Xsara Kit Car. Légère et puissante, la Xsara Kit Car est une 2 roues motrices à l’aise sur les rallyes asphalte où elle remporte ses premières victoires. Pour viser le championnat mondial, il faut passer à la catégorie supérieure WRC. Après une campagne limitée en 2002 pour se roder, la Xsara WRC remporte son premier titre constructeur en 2003. La voiture exposée est celle victorieuse du Rallye de Monte Carlo cette année-là aux mains de Sébastien Loeb.
La C4 WRC remplace la Xsara en 2007, et continue sa moisson de victoires et de titres, comme en témoigne les autos frappées du Numéro 1 exposées, dont une version 2010, dernière année de la C4. En 2011, c’est la DS3 WRC qui remplace la C4, suite au changement de règlementation et au souhait de la marque de promouvoir ce nouveau modèle. Le modèle exposé est une 2016, qui était pilotée par le britannique Chris Meeke, d’où la présence de l’Union Jack sur la prise d’air du toit. En 2017, Citroën Racing engage la C3 WRC, mais le résultat sera mitigé, malgré le retour u multiple champion du monde Sébastien Ogier en 2019, fin de carrière pour la C3 et retrait de Citroën du WRC. Autre voiture de rallye, la C2 Super 1600 de 2008, avec laquelle Sébastien Ogier remportera son premier titre de champion du monde, dans la catégorie Junior, antichambre du WRC.
Parallèlement à l’activité rallye WRC, Citroën s’engage sur circuit en WTCC (championnat du monde de voitures de tourisme) de 2014 à 2016 avec une voiture dérivée de la C-Élysée, un modèle peu connu en Europe. La C-Élysée est une version tri-corps 4 portes de la ZX assemblée en Chine. Citroën remporte les titres constructeurs et pilotes (avec l’argentin José María López) à chaque saison. Dans cette section, les voitures sont présentées sur une seule rangée, ce qui permet de bien les voir sous tous les angles.
Citons enfin une auto un peu à part, une monoplace MEP à moteur Citroën GS du début des années 1970. Elle porte les initiales de son concepteur (Maurice Émile Pezoux, concessionnaire Citroën d’Albi), qui avait développé une lignée de monoplaces très fines et légères, utilisées surtout comme voitures-école pour les apprentis pilotes Dans cette version à moteur GS, elle sera utilisée pour la Formule Bleue, une formule d’initiation à la course, sur circuit et en courses de cote, de 1969 à 1975.
Concept Cars, études de style
L’autre ilot original et assez spectaculaire du Conservatoire Citroën & DS est celui des concept-cars et études de style. Il réunit près d’une trentaine de voitures, uniques par nature, et correspondant à des propositions plus ou moins réalistes. Ces concepts peuvent servir à annoncer un nouveau modèle, à présenter des idées de style qui seront reprises ensuite, à indiquer la direction du design, à tester des idées, à illustrer une évolution technologique…
Ces concepts-cars sont souvent exposés sur 1 ou 2 salons automobile, présentés dans des magazines et disparaissent ensuite de la circulation pour être stockés dans des réserves ou même trop souvent détruits. Fort heureusement, Citroën a conservé ces études, et il est donc tout à fait exceptionnel de pourvoir les (re)découvrir dans cet espace, d’autant que les designer Citroën ont été particulièrement prolixes. Certaines ne sont que des études, tandis que d’autres sont des prototypes roulants et fonctionnels. Le plus ancien concept est la C10 de 1956, concept très aérodynamique en forme de goutte d’eau d’une petite berline 4 places, équipée d’un moteur de 2 CV (modèle exposé à l’occasion de Rétromobile 2023).
Si les thèmes abordés par ces concepts sont variés, on retrouve plusieurs véhicules de loisir, des autos sportives et futuristes, des études de mobilité alternative. L’appréciation des lignes et du style reste très subjective, mais parmi les plus séduisants de ces concepts, je placerai DS-Spirit, la série des « C » C-Airdream, C-SportLounge et C-Métisse. Mention spéciale aussi au C5-Airscape, qui aurait pu être un beau cabriolet reprenant la tradition des cabriolet DS.
L’un des objectifs de ces concepts est aussi de préparer la clientèle aux évolutions technologiques. Citroën a ainsi proposé Revolte et Survolt en 2009 et 2010, pour donner des images fun et sport au passage à l’hybride et à l’électrique.
Une série d’étagères contre le mur présente de nombreuses maquettes à échelle réduite dans différents matériaux de concept ou de modèles produits.
DS Automobiles
La marque est jeune et ne peut donc prétendre à exposer une longue histoire, mais un espace lui est dédié, pour présenter quelques modèles spécifiques, comme le concept DS9 ayant précédé le modèle de série. Dans l’ilot compétition, DS Automobiles est aussi représentée par une Formule-E, championnat mondial de monoplace 100% électrique dans lequel DS Automobile est l’un des principaux concurrents, ayant remporté plusieurs titres pilotes et constructeurs.
Voitures présidentielles
Citroën est la marque ayant pratiquement toujours eu à son catalogue le modèle le plus luxueux de la production automobile française, et c’est donc assez logiquement qu’on retrouve les Citroën, et maintenant les DS, dans le parc de la Présidence de la République. Certains modèles ont été spécifiquement adaptés aux besoins de la Présidence, notamment pour les défilés comme la DS 21 Présidentielle, limousine d’apparat longue de 6,53m ou la célèbre SM Présidentielle, rallongée et découvrable, qui servira sous 4 Présidents français, de Georges Pompidou à Jacques Chirac, et défilera souvent lors de réceptions de chefs d’état étrangers ou d’hôtes de marque.
Le Conservatoire présente aussi une C6, qui a elle aussi connu 4 Présidents, de Jacques Chirac à Emmanuel Macron, ainsi que les DS 5 et DS 7 Crossback préparés pour les investitures des Présidents Hollande et Macron. Le DS 7 Crossback Présidentiel a été livré en 2017 à la Présidence, en avant-première puisque les premiers modèles de production ont été livrés en 2018, une exposition idéale pour une voiture haut de gamme.
Autres véhicules
Citroën a aussi une longue tradition de gammes d’utilitaires, et plusieurs sont exposés. On a déjà mentionné les 2 CV fourgonnettes, on trouve le célèbre Type H, plus connu sous son surnom TUB, ainsi que les générations qui l’ont précédé. Le style général de cet utilitaire reste très iconique, comme le montre le concept Tubik de 2011, avec une ligne directement inspirée du Type H, mais des prestations de grande berline luxueuse.
Il y a aussi des tracteurs agricoles même si la production en a été limitée, un autocar de 1947 construit sur un ensemble châssis-moteur Citroën, des véhicules de pompiers, l’un des années 1920, et l’autre plus imposant, dérivé de la gamme de camions Belphégor, a été utilisé par de nombreuses brigades de sapeurs-pompiers en France, depuis les années 1960 jusqu’aux années 2000 pour certains. Plus insolite, un hélicoptère qui était équipé d’un moteur Citroën.
Décoration
Dans un angle du bâtiment, le bureau d’André Citroën a été reproduit, avec une maquette de la Tour Eiffel rappelant la célèbre campagne publicitaire pour laquelle la Tour Eiffel était illuminée aux couleurs de Citroën. Des maquettes rappellent les croisières Citroën, ces grandes expéditions qui ouvraient des voies et assuraient la promotion de la marque dans le monde.
Au-dessus des maquettes de designers, une série de voitures à pédales reprenant le style de plusieurs modèles font le lien avec la Citroënnette exposée dans la collection. Cette dernière était une voiture électrique pour enfant des années 1920/1930 qui reprenait le look du modèle de série. On dit qu’André Citroën rêvait que Citroën soit le 3ème mot prononcé par un enfant, après maman et papa !
Conclusion
En conclusion de cette série de 2 articles, le Conservatoire Citroën et DS est un lieu à visiter absolument en région parisienne pour tous les amateurs de voitures. Facilement accessible, il propose une visite passionnante, qu’on soit plutôt anciennes ou youngtimers, course ou production, design ou insolite, ou un peu de tout ça !
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Les musées sont des lieux vivants, et donc le contenu ou la disposition peut avoir changé entre la publication de cet article et votre visite. La disposition peut être différente, des voitures peuvent être absentes (révision, entretien, prêt…) et de nouvelles ont pu rejoindre l’exposition.