Introduction
Ce mois-ci, je vous emmène en Italie, dans la région de Modène, visiter un petit musée. Petit par la taille et le nombre de voitures exposées, mais certainement pas petit par son intérêt. Il s’agir en effet du Musée Horacio Pagani. Pagani s’apprête à fêter ses 25 ans, la première Pagani ayant été présentée au salon de Genève 1999. En un peu plus de 20 ans, Pagani a proposé 2 modèles, la Zonda et la Huayra, et construit environ 500 voitures. On ne peut donc pas s’attendre à découvrir plusieurs dizaines de voitures ici. Mais la rareté (et leur prix largement au-delà du million d’Euros) des Pagani fait qu’il est très rare d’en voir, encore plus d’en voir plusieurs, et pratiquement impossible d’en admirer une de près, d’en observer les détails de fabrication et de plonger un regard ébahi dans son habitacle. C’est ce qui fait tout l’intérêt du Musée Horacio Pagani, voir de ses propres yeux ce qu’on aperçoit habituellement de loin ou à la télé. On peut d’ailleurs remercier la firme d’avoir ouvert ce musée au public, et de proposer également des visites de l’atelier de fabrication (on ne peut pas vraiment parler d’usine vu les cadences). C’est un partage de passion, Pagani Automobili n’attendant pas vraiment les visiteurs du musée pour vendre ses autos !
Mes coups de coeur
La collection du Musée Horacio Pagani comprend peu de voitures, mais que des autos exceptionnelles. En sortir quelques coups de cœur est difficile, mais essayons quand même :
- La disposition des voitures qui permet de pratiquement en faire le tour
- Les modèles ouverts, pour admirer de près les détails tant esthétiques que mécaniques
- Le petit escalier sur le côté, pour prendre de la hauteur et avoir une vue plongeante sur les autos
Horacio Pagani
C’est l’aventure incroyable d’un gamin né dans une petite ville d’Argentine et qui deviendra le constructeur des supercars parmi les plus désirables (et chères) au monde. Horacio Pagani est passionné d’automobile, de compétition et de mécanique depuis son plus jeune âge. Après des études universitaires en conception industrielle et en ingénierie mécanique, il crée son entreprise et développe plusieurs projets, allant de meubles métalliques à des caravanes en passant par des fauteuils roulants. Il construit aussi un châssis de F2 qui courra avec succès en Argentine, ce lui permet de rencontrer Juan Manuel Fangio, son idole de toujours, et qui deviendra un ami. C’est sur les conseils de Fangio qu’il vient en Italie, et réussit à se faire embaucher chez Lamborghini. Progressant rapidement dans l’entreprise, il devient spécialiste des matériaux composites et notamment de la fibre de carbone. En 1988, il quitte Lamborghini pour créer sa société Modena Design qui développe des pièces en composite pour l’automobile, notamment la F1, et l’aéronautique. Pagani acquiert ainsi une très grande expertise dans le domaine, son but étant dès le départ de développer et construire sa propre supercar. Ce projet lui permettra de mettre en œuvre les techniques acquises et de pousser à l’extrême son souci du détail et de la perfection. Présentée en 1999, la Zonda impressionne par ses lignes uniques, ses performances et sa carrosserie entièrement en carbone, une première pour une voiture de production.
L’histoire et la genèse
A l’entrée du musée, le premier podium présente les premières créations d’Horacio Pagani en Argentine, depuis la petite moto de l’adolescence jusqu’à la F2 motorisée par Renault, et l’on peut voir que déjà le souci du détail et de la qualité était dans son ADN. Une fresque murale et de nombreuses photos rappellent cette jeunesse vécue dans la passion de la mécanique.
La Zonda
On pourrait craindre qu’avec seulement 2 modèles présentés (l’Utopia, 3ème modèle Pagani vient d’être lancé), il y ait peu d’autos à voir. Il y a quand même une dizaine de voitures, la Zonda (un vent sec et chaud d’argentine) et la Huayra (nom dérivé du Dieu des vents en Quechua) ayant été déclinées en coupé et roadster, et en plusieurs séries (très) limitées. Il y a eu aussi plusieurs modèles uniques, souvent développés en relation ou à la demande particulière de clients. Logiquement, ces modèles uniques ne sont pas exposés.
Un podium tournant accueille un modèle, la Zonda « La Nonna » (Grand-mère) lors de notre visite. La Nonna (1998) est le châssis N°2 de la Zonda qui a servi à développer et tester de nombreuses solutions techniques et aérodynamiques pour les versions de la Zonda. Le moteur est un V12 d’origine Mercedes-AMG. La Nonna été complètement restaurée pour être exposée, après avoir parcouru plus de 550 000 km d’essais. Portières et capots grands ouverts permettent de s’intéresser aux entrailles, à de nombreux détails invisibles de l’extérieur, et à admirer le soin apporté à la finition de l’habitacle, l’un des aspects les plus étonnants de Pagani. On remarque certaines pièces taillées dans un bloc de métal, les mécanismes apparents comme pour les pédales de frein et d’accélérateur.
Le carbone est omniprésent et bien visible, y compris pour les bagages faits sur mesure pour se placer sur les pontons arrière. Le moteur est surplombé par une boite à air, évidemment en carbone poli. Plusieurs éléments esthétiques se retrouveront sur les différents modèles, comme l’échappement avec ses 4 tuyères centrales en cercle, les petits phares à l’avant ou les rétroviseurs tenus par une fine tige, tout en carbone. Certains éléments sont peints, mais Pagani n’hésite pas à laisser des pièces de carrosserie en carbone simplement polies, comme le capot avant, décoré d’une étroite bande tricolore reprenant les couleurs du drapeau italien. Dans la suite du musée, on va retrouver quelques modèles historiques, qui ont représenté des jalons pour Pagani.
Pour prouver que le travail mécanique et aérodynamique, la recherche d’allègement sans compromettre le luxe étaient aussi au service de la performance, Pagani n’a pas hésiter à lacer plusieurs fois ses modèles à l’assaut de la célèbre Nordschleife (boucle nord) du Nürburgring. La 1ère a été la Zonda S en 2002. Son V12 d’origine Mercedes AMG de 7L délivre 555 ch, pour une voiture d’un poids contenu à 1280 kg. La Zonda C12 S châssis N°18 réalise un temps de7’44’’ sur la boucle nord, remarquable pour une voiture qui n’est pas une pure pistarde.
En 2003, Pagani présente la version roadster de la Zonda C12 S. Affaire de gout, mais le roadster sublime la ligne de la Zonda. Avantage pour le visiteur, on plonge le regard dans l’habitacle dont chaque élément, chaque bouton ou levier est une pièce unique. Chez Pagani, on ne va pas chercher les commodos ou boutons du tableau de bord chez un grand constructeur pour économiser quelques centimes. Évidemment la structure de la voiture est redessinée pour assurer la rigidité du roadster sans impacter le poids de l’auto.
Évolutions de la Zonda
Avec la Zonda F en 2005 (F pour Fangio à qui Horacio Pagani souhaite rendre hommage), Pagani pousse la performance. Le V12 passe à 7,3L pour plus de 600 ch. Freins carbone-céramique pour alléger et améliorer le freinage, échappement en titane et Inconel, optimisation de la structure permettent de réduire le poids à 1230 kg. La voiture réalise moins de 7’28’’ sur la boucle nord du Nürburgring, soit un gain de presque 1’’ au km !
La Zonda Cinque est une version routière ultime de la Zonda. Le V12 passe à 678 ch, le poids descend à 1210 kg. Cinque correspond à la « production », 5 coupés et 5 roadsters, dont le modèle châssis N° 5 exposé. La Cinque (2010) utilise une nouvelle génération de fibres de carbone renforcée par du titane, toujours dans le but de renforcer la rigidité tout en gagnant du poids. L’aérodynamique est travaillée pour améliorer la stabilité et la tenue de route, en réutilisant des éléments de la Zonda R.
La Zonda R justement est une version dédiée à la piste, non homologuée pour la route, et ne correspondant à aucune catégorie FIA. Elle est donc destinée à de (très) riches amateurs avides de sensations (très) fortes sur circuits, et une quinzaine d’unités seront construites ! Son V12 de 6L, toujours Mercedes AMG, développe la bagatelle de 750 ch. La voiture est allégée, carrosserie en carbone apparent simplement poli et verni, l’aérodynamique est optimisée pour répondre aux exigences de la piste, le poids encore réduit à 1070 kg. En 2010, la Zonda R tourne sur la boucle nord du Nürburgring en 6’47’’, soit presque une minute de moins que la Zonda S en 2002. Une version encore plus poussée de la R baptisée « Revolucion » (non exposée au musée) disposera de 800 ch et a avalé la Nordschleife en 6’30’’ ! La Zonda R sera aussi très utile pour tester les nouvelles solutions et technologies qui seront ensuite exploitées sur la Huayra, second modèle de Pagani.
Huayra
La Huayra est présentée à Genève en 2011. Le style reprend plusieurs éléments caractéristiques de Pagani, la ligne fluide et sculptée, les 4 tuyères d’échappement dans un cercle, les petits phares à l’avant, mais doublés sur la Huayra, l’immense capot moteur arrière, les rétroviseurs sur leur fines tiges… Exploitant les enseignements de la Zonda, et notamment la Zonda R elle dispose d’une coque en carbone et titanium et d’une aérodynamique très poussée, avec des ailerons mobiles arrière et des flaps mobiles également à l’avant. Le but est de rajouter de l’appui à haute vitesse, et d’aider le freinage.
Pagani est maintenant un constructeur établi et réputé, ce qui lui permet de disposer d’un nouveau moteur étudié spécialement par Mercedes AMG pour la Huayra. Avec 6l de cylindrée et 2 turbos, il développe 730 ch, pour une voiture pesant seulement 1350 kg. L’habitacle de la Huayra est encore plus sophistiqué que la Zonda. Le levier de vitesse notamment est une véritable œuvre d’art, posé sur une arche en carbone et laissant apparaitre une partie de la tringlerie.
A venir…
Avec l’arrivée en production de la nouvelle Utopia, on peut s’attendre à voir un exemplaire rejoindre le musée, mais aussi une Huayra roadster, voire une des rares (5 unités) Codalunga, une Huayra rallongée dans l’esprit des Porsche 917 « longue queue » du Mans.
Décoration
Les grandes baies vitrées laissent entrer la lumière, filtrée par des stores. De nombreux dessins et photos sont accrochés aux murs, ainsi que quelques peintures et œuvres d’art réalisées spécifiquement pour Pagani. Sur le mur en brique, un escalier permet en montant quelques marches de surplomber le hall et de voir les autos sous un autre angle. En exposition, moteur, pièces de carrosserie (capot, rétroviseurs…) ou d’équipement mécanique ou de l’habitacle permettent aux visiteurs de mieux voir les détails de ces pièces. Plusieurs maquettes montrent les évolutions du design et témoignent du long travail d’élaboration de ces modèles.
Conclusion
Une dizaine de voitures seulement, mais presque le double en millions d’Euros. Des autos si rares, si sophistiquées qu’il serait vraiment dommage de se contenter de Ferrari ou Lamborghini. Si ces constructeurs sont iconiques, Pagani atteint une autre dimension, et le Musée Horacio Pagani offre une opportunité unique (sauf si vous êtes multimillionnaires ou très chanceux) d’admirer de près ces merveilles automobiles.
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Les musées sont des lieux vivants, et donc le contenu ou la disposition peut avoir changé entre la publication de cet article et votre visite. La disposition peut être différente, des voitures peuvent être absentes (révision, entretien, prêt…) et de nouvelles ont pu rejoindre l’exposition.